Techniques d’optimisation des réseaux de chaleur
Dans les quartiers neufs, l’ingénierie des réseaux de chaleur doit évoluer, afin que leur efficacité énergétique soit à la mesure de celle des bâtiments basse consommation qu’ils vont desservir. Il existe de nombreuses solutions techniques d’optimisation des réseaux permettant de renforcer leur pertinence technique, économique et environnementale, vis-à-vis de solutions décentralisées. Certaines de ces techniques d’optimisation sont également intéressantes pour des réseaux existants desservant des quartiers anciens, réhabilités ou non.
Les pertes : un poids qui augmente quand les besoins diminuent
Visualisation des pertes dans les canalisations, par thermographie aérienne – Image : © Eurosense/Dalkia
Tout réseau de distribution de chaleur subit des pertes d’énergie et des surconsommations : pertes dans les canalisations, pertes aux sous-stations, consommations électriques des auxiliaires. Avec la diminution des quantités de chaleur utile fournie aux bâtiments, la part relative de ces pertes augmente dans le bilan de consommation d’un réseau de chaleur. La compétitivité du réseau, sur le plan énergétique (et donc également économique) s’en trouve affectée.
Les techniques d’optimisation des réseaux de chaleur, détaillées ci-après, visent à réduire les quantités d’énergie perdues, et donc à améliorer l’efficacité du réseau.
A noter : Dans le cadre de la réalisation d’un schéma directeur réseau de chaleur, un diagnostic du réseau est mené, associé à une évaluation de la qualité du service notamment sur le plan de l’efficacité énergétique et de l’optimisation du bilan environnemental du réseau. Les techniques d’optimisation présentées ci-dessous peuvent donc y être préconisées.
Distribution en basse température
La diminution du régime de température du fluide caloporteur (passage d’un régime 90°C aller/70°C retour à un régime 75°C/35°C en moyenne) permet de diminuer de près de 50% les pertes thermiques sur le réseau de distribution.
Avantages
- Possibilité d’exploiter de nouvelles sources d’énergies renouvelables et de récupération, plus adaptées à la basse température (pour en savoir plus, voir les fiches Les nouvelles sources d’énergie pour les réseaux de chaleur et Réseau de chaleur très basse température à sources multiples).
- Diminution des pertes thermiques sur le réseau de distribution.
Inconvénients
- Réseau secondaire et émetteurs doivent être adaptés (technologie spécifique pour l’eau chaude sanitaire, radiateur basse température) ;
- Solution adaptée uniquement aux réseaux neufs.
Il est également possible de chercher à augmenter l’écart de température entre l’aller et le retour.
Un réseau avec un écart aller/retour de 40°C véhicule autant de chaleur qu’un réseau avec un écart de température de 20°C dont le débit de fluide caloporteur serait deux fois plus élevé. Ceci permet de réduire la section des canalisations ; des canalisations plus étroites coûtent moins cher, perdent moins de chaleur et leur fabrication consomme moins d’énergie grise.
Ajustement dynamique des températures
La plupart des réseaux sont dimensionnés de telle sorte qu’ils fournissent la quantité d’énergie suffisante aux bâtiments raccordés pour une température extérieure dite « de base ». Or, durant la grande majorité de la saison de chauffe, la température est supérieure à cette valeur de référence. Le réseau est donc maintenu à une température élevée sans que les besoins des bâtiments ne le justifient. Statistiquement, l’analyse des températures moyennes journalières en France montre que la température du réseau peut être abaissée à 65°C la majorité du temps.
Effet de l’optimisation de la température de départ – (Source : Termis)
En équipant le réseau d’éléments « intelligents » capable de moduler la température de départ du fluide caloporteur en fonction des conditions météorologiques réelles, on peut réduire les pertes thermiques dans les canalisations. Une diminution de 15°C de la température de départ permet ainsi de réduire de 16% les pertes.
D’autres paramètres, comme les appels de puissance des usagers mesurés en temps réel, ou anticipés à partir de mesures passées, peuvent aussi être intégrés pour moduler plus finement la température, et donc réduire encore les pertes.
Avantages
- Très faible coût d’investissement ;
- Diminution des pertes thermiques du réseau ;
- Diminution des pertes de distribution et réduction des coûts d’exploitation ;
- Solution adaptée aussi bien pour un réseau neuf que pour un réseau existant
Inconvénients
- Nécessité de mettre en place un système de capteurs communicants ;
- Pour les systèmes ne prenant pas en compte les besoins de chaque usager, adaptation nécessaire si l’usager a besoin d’une température constante (généralement supérieure à 65°C) en sous-station.
Variation des vitesses des pompes
Les réseaux de chaleur fonctionnent la majorité du temps à débit variable alors que les pompes qui les alimentent sont la plupart du temps entraînées par des moteurs à vitesse constante.
On peut diminuer de près de 50% les consommations électriques en couplant aux moteurs un variateur électronique. Celui-ci permet d’abaisser la vitesse des pompes à pression constante. Le point de fonctionnement de la pompe est donc optimisé.
Avantages
- Gain important sur les consommations électriques (énergie majoritairement non renouvelable et dont le coût augmente régulièrement) ;
- Prix à l’achat relativement faible et retour sur investissement très rapide (de l’ordre d’un an) ;
- Solution adaptée aussi bien pour un réseau neuf que pour un réseau existant ;
- Utilisation de la technologie des vannes deux voies, qui permet d’avoir des températures de retour les plus basses possibles, et est donc compatible avec les précédentes solutions.
Inconvénients
- Nécessite des sous-stations équipées de vannes deux voies motorisées ;
- Mise en place de capteurs différentiels au niveau des sous-stations ;
- Sur les réseaux existants, il peut être nécessaire de changer les pompes d’origine pour éviter un risque d’échauffement.
Sur-isolation des canalisations
La sur-isolation consiste à augmenter l’épaisseur de l’isolant de la canalisation, au diamètre directement supérieur à celui initialement prévu par une ingénierie « classique ». En moyenne, le passage à la classe d’isolation supérieure permet de diminuer les pertes de 15 à 20%.
Avantages
- Diminution des pertes thermiques du réseau de chaleur (les pertes sont d’autant plus diminuées que la température de départ est élevée) ;
- Temps de retour sur investissement correct (cinq ans en moyenne, aides potentielles du Fonds chaleur comprises dans le calcul ; environ douze ans sans les aides).
Inconvénients
- Surcoût d’investissement ;
- Solution adaptée uniquement à un réseau neuf ou à une extension ;
- Temps de retour en énergie grise important du fait de l’utilisation de plus grandes quantités de matériau isolant (de l’ordre de 20 ans en moyenne, variable suivant l’économie d’énergie thermique réellement générée).
Stockage de l'énergie thermique
Certaines sources de chaleur produisent toute l’année, sans qu’il soit possible d’arrêter la production ou sans que cela présente un intérêt économique ou environnemental. C’est par exemple le cas de la chaleur de récupération des UIOM ou des data-centers, ou de l’énergie produite par les panneaux solaires.
L’excédent de chaleur produit en été peut être stocké puis utilisé en période hivernale. Inversement, on peut emmagasiner du froid en hiver pour rafraîchir des bâtiments en été. Le stockage peut se faire dans des silos d’eau, dans le sous-sol, dans de la glace…
Le stockage peut également être journalier (effacement des pics horaires) ou hebdomadaire (équilibrage entre les différents jours de la semaine).
Cuve de stockage du réseau de chaleur du quartier Villeneuve à Grenoble – © CCIAG
Avantages
- Augmente la quantité d’énergie gratuite ou à bas coût utilisable par le réseau ;
- Permet d’abaisser les puissances nominales de production et donc les coûts des chaudières et échangeurs ;
- Amélioration importante des rendements énergétiques des machines thermodynamiques et des systèmes de production de chaleur solaire (lissage de la courbe d’appel de puissance) ;
Inconvénients
- Peut nécessiter des volumes importants, ou des conditions géologiques particulières, suivant la technologie employée.
Quelques exemples
Réseaux basse température dans les éco-quartiers
Les projets de réseaux de chaleur intégrés à des éco-quartiers sont conçus en basse température, avec un fluide sortant de la chaufferie aux alentours de 70°C. Une telle température est suffisante pour fournir l’ECS et le chauffage aux bâtiments basse consommation qui seront créés et permet de mobiliser des sources comme le solaire thermique (écoquartier Balma-Grammont) ou la géothermie peu profonde (Nanterre).
Accumulateur à eau du réseau de chaleur de Borås (Suède)
Le réseau de chaleur de Borås (64 000 habitants dont 35 000 desservis par le réseau) est équipé depuis 2009 d’un accumulateur géant de 37 000 m3. Il stocke la chaleur excédentaire produite en période de faible demande et la restitue au réseau de chaleur durant les pointes de consommation. Ce dispositif permet de réduire les pertes fatales et d’écrêter les appels de puissances matinaux.
Pour en savoir plus :
Dossier thématique : Réseaux de chaleur et nouveaux quartiers
Etude AMORCE/Inddigo : Optimisation des réseaux de chaleur pour le développement des BBC