Réaliser un schéma directeur de réseau de chaleur
Le développement d’un réseau de chaleur à l’échelle d’une ville ou d’un ensemble de quartiers nécessite d’être planifié dans un document partagé, afin que l’ensemble des acteurs locaux de l’aménagement, de la construction et de l’énergie puissent l’intégrer dans leurs propres projets. Le schéma directeur des réseaux de chaleur s’inscrit dans cette logique.
Le schéma directeur définit des scénarios d’évolution, sur la base d’un diagnostic technico-économique, d’hypothèses de raccordements, d’évolution des besoins et d’une évaluation du potentiel d’extension, d’optimisation et de renforcement du réseau. Ce schéma est obligatoire pour l’obtention d’aides au titre du Fonds chaleur de l’ADEME.
« Guide : Élaboration du schéma directeur d’un réseau de chaleur – 2021 » réalisé par AMORCE/ADEME avec, entre autres, la collaboration du Cerema Ouest.
Qu’est-ce qu’un schéma directeur?
Principe : l’anticipation et la programmation des évolutions
Le schéma directeur est un document dont l’objectif est d’amener le maître d’ouvrage d’un réseau de chaleur à réaliser un exercice de projection sur le devenir de son réseau à l’horizon d’une dizaine d’années, en lien avec l’ensemble des acteurs locaux concernés – notamment les abonnés. Le schéma directeur propose différents scénarios qui permettront de décider d’une programmation de travaux à entreprendre durant cette période.
Intérêt : une vision partagée entre les acteurs
Cette vision à long terme, partagée entre tous les acteurs locaux concernés par le réseau, permet par la suite de mieux coordonner les projets, de renforcer les liens entre énergie, aménagement et construction, de réduire le coût des évolutions du réseau par une meilleure planification.
Elle alimente par ailleurs (directement ou indirectement) différents dispositifs juridiques ou financiers, notamment :
- le fonds chaleur (le schéma directeur étant obligatoire pour l’obtention des aides) ;
- l’établissement des zones prioritaires de développement dans le cadre de la procédure de classement du réseau ;
- les démarches de planification énergie-climat tels que le PCAET.
Comment réaliser un schéma directeur ?
Un groupe de travail national regroupant les principaux acteurs de la filière et soutenu par l’ADEME a élaboré en 2009 un guide proposant une méthode d’élaboration du schéma directeur d’un réseau de chaleur, dont la dernière mise à jour date de février 2021. C’est cette méthode qui doit être utilisée si le maître d’ouvrage du réseau souhaite obtenir des aides du fonds chaleur. Dans les autres cas, il est possible de simplement s’inspirer de la méthode proposée et de l’adapter.
Les éléments suivants constituent un résumé du guide, auquel le lecteur est invité à se référer pour en savoir plus. L’approche proposée dans le guide méthodologique se veut exhaustive afin de couvrir un large panel des cas pouvant se présenter. Elle définit une démarche en cinq étapes :
- Étape 1 : Constituer un comité de pilotage
- Étape 2 : Dresser un diagnostic technico-économique du réseau
- Étape 3 : Réaliser un exercice de projection à l’horizon de dix ans sur le potentiel d’évolution du réseau
- Étape 4 : Élaborer différents scénarios d’évolution
- Étape 5 : Proposer un plan d’actions
Etape 1 : Constituer un comité de pilotage
La mise en place d’un réseau de chaleur puis son développement à l’échelle de la ville doivent se faire dans la concertation. Ainsi, un comité de pilotage du schéma directeur doit être mis en place. Il comporte a minima l’entité organisatrice du réseau, les services de la collectivité en charge de l’urbanisme, l’opérateur gestionnaire du réseau, des représentants des abonnés et des usagers ainsi que l’ADEME et des représentants d’autres collectivités concernées par le projet (notamment à des échelons territoriaux différents).
Etape 2 : Dresser un diagnostic technico-économique du réseau
L’objectif du diagnostic est d’établir une base commune pour l’ensemble des acteurs du réseau de chaleur et présentant en détail le réseau.
Il comprend les éléments suivants :
Charte de l’IGD sur les indicateurs de performance des réseaux de chaleur
Un rappel du contexte et un état des lieux exhaustif
Cette partie comprend un rappel du contexte et de l’historique du réseau (la création, les faits marquants, etc.), une description technique, le détail des clients et le bilan des ventes de chaleur. Afin d’évaluer la qualité technique et économique du réseau, le calcul des indicateurs de performance doit être réalisé, sur la base proposée par l’Institut de Gestion Déléguée (IGD). De même, une analyse de l’ensemble des documents contractuels en vigueur sur le réseau doit être effectuée.
Un audit technique et économique
Afin de programmer l’amélioration de la performance technique du réseau, il est important de réaliser un audit technique du réseau de chaleur. Cet audit s’appuie sur :
- des visites des installations (centrales de production, réseau de distribution, sous-stations) ;
- des réunions organisées avec les services de la collectivité, le délégataire et les abonnés ;
- l’analyse des documents liés aux contrôles réglementaires et à l’exploitation du site ;
- l’analyse des comptes-rendus techniques produits par le délégataire et des rapports d’analyse éventuels.
Il permet de réaliser un schéma de principe détaillé des chaufferies ainsi que d’identifier les travaux de rénovations à programmer. Concernant le réseau de distribution, un plan détaillé de celui-ci est présenté et une analyse de la performance du réseau au regard des pertes thermiques et des puissances souscrites est menée. De plus, une analyse de la qualité et du niveau de performance énergétique des bâtiments raccordés au réseau doit être réalisée. Elle s’appuie notamment sur les consommations d’énergie en chauffage et eau chaude sanitaire des trois dernières années, sur le descriptif des systèmes constructifs, sur la régulation du bâtiment.
L’audit économique, quant à lui, a pour objectif de présenter la santé financière du réseau et de positionner le chauffage urbain vis-à-vis des autres modes de chauffage disponibles et des tarifs appliqués sur la zone.
Visualisation des pertes dans les canalisations, par thermographie aérienne. © Eurosense/Dalkia
Étape 3 : Réaliser un exercice de projection sur un horizon de dix ans sur le potentiel d’évolution du réseau
Cette partie décrit, sur la base du diagnostic, les perspectives d’évolution du réseau sur un horizon de 10 ans. Cet exercice doit présenter un maximum de six scénarios différents et porte sur l’analyse des besoins de chaleur à couvrir :
Concernant les bâtiments raccordés : perspectives d’évolution de leur consommation énergétique (travaux de rénovation envisagés, etc.) ;
Concernant les bâtiments non raccordés : identification des bâtiments existants ou en projet pouvant être raccordés au réseau de chaleur. Cette analyse doit prendre en compte les projets d’évolution de l’urbanisation sur le territoire considéré. Par ailleurs, une analyse des besoins en chaud et froid des bâtiments doit être réalisée afin de déterminer les puissances des sous-stations à installer ;
Concernant la chaufferie : identification des sources d’énergies renouvelables et de récupération pouvant être exploitées par le réseau ; étude de pré-faisabilité sur le potentiel mobilisable et sur le dimensionnement des installations de production.
Les scénarios proposés doivent vérifier la capacité du réseau à fournir la demande supplémentaire de chaleur. Dans le cas où la chaufferie ne peut pas fournir toute la chaleur, l’exercice de projection doit tenir compte des travaux à envisager.
Étape 4 : Élaboration des différents scénarios d’évolution
Pour les différents scénarios élaborés lors de l’étape 3, une analyse économique est conduite de façon à prévoir l’évolution du cadre contractuel en vigueur sur le réseau, évaluer l’impact sur la facture énergétique des abonnés et comparer avec les autres modes de chauffage disponibles sur le territoire considéré. Pour cela, l’analyse économique tient compte des investissements à réaliser, des différentes aides financières et des charges d’exploitation. Les différents scénarios doivent, par ailleurs, faire apparaître l’impact environnemental (émissions de CO2 évitées, part d’EnR&R mobilisée, etc.) ainsi que les effets sur l’économie locale (emploi notamment).
Étape 5 : proposer un plan d’actions
Sur la base des éléments détaillés par scénario, une synthèse et un plan d’actions sont élaborés afin d’établir un programme d’investissement destiné à améliorer la compétitivité du réseau vis-à-vis des autres modes de chauffage.
Prendre en compte le SRADDET et le PCAET
Lors de l’étape 3, il est demandé de réaliser un exercice de projection prenant en compte la consommation énergétique des bâtiments raccordés ou susceptibles de l’être et le potentiel de valorisation des EnR&R.
Les démarches suivantes peuvent apporter des éléments de cadrage utiles si elles ont été menées antérieurement à la réalisation du schéma directeur (dans le cas contraire, c’est le schéma directeur qui peut éventuellement contribuer à ces démarches) :
Le volet énergie du SRADDET
Le volet énergie du Schéma Régional de Développement Durale et d’Egalité des Territoires (SRADDET [140]), élaboré par les services de la Région, présente notamment un diagnostic du potentiel de développement des EnR&R à l’échelle régionale et fixe des orientations pour la diminution des émissions de GES et l’amélioration de la qualité de l’air ;
Le Plan Climat Énergie Territorial
Le Plan Climat Énergie Territorial (PCAET [139]), élaboré par les EPCI de plus de 20 000 habitants, fixe la stratégie locale et les objectifs en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ;
Les études de faisabilité de développement des EnR
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Les études de faisabilité de développement des EnR obligatoires pour les opérations d’aménagement soumises à étude d’impact (art. L128-4 du Code de l’urbanisme) établissent un ou plusieurs scénarios à l’échelle des quartiers neufs (notamment en ZAC), et analysent notamment l’opportunité du raccordement à un réseau de chaleur ou de froid.
Quelques exemples…
Commune de Chelles (77) : réalisation d’un schéma directeur en 2010
- Etat initial : 45 GWh de chaleur livrée, contenu CO2 : 135,7 gramme d’eqCO2/kWh, taux d’EnR 33%, prix de la chaleur : 74€/MWh
- Projection à 10 ans d’un scénario: 79,5 GWh de chaleur livrée, contenu CO2 : 98,3 gramme d’eqCO2/kWh , taux d’EnR 57,8%, prix de la chaleur : 64€/MWh.
Élaboration d’un schéma directeur du réseau de chaleur des villes de Roubaix (2011), Béthune (2011), Choisy-Vitry (2011-2012)….