Les nouvelles sources d’énergie pour les réseaux de chaleur
La baisse de la consommation énergétique pour le chauffage des bâtiments et les nouvelles techniques d’ingénierie des réseaux de distribution (réseaux basse température notamment) permettent de faire appel à de nouvelles sources de chaleur, jusqu’alors peu utilisées , comme le solaire thermique, la géothermie superficielle ou encore la récupération de chaleur des eaux usées ou des bâtiments à énergie positive.
Nouveaux besoins, nouvelles sources
Historiquement, les réseaux de chaleur en France ont été utilisés pour desservir des ensembles de bâtiments plutôt denses, demandeurs de grandes quantités d’énergie. L’ingénierie de la majorité des réseaux existants est adaptée à ce type de besoins : sources capables de fournir de grandes quantités de chaleur, distribution à « haute température » (départ à 100°C, retour à 70°C).
Avec le développement des quartiers basse consommation, la rénovation thermique des bâtiments existants et l’essor des émetteurs basse température (ex. : planchers chauffants), les besoins de chaleur peuvent, sur un secteur donné, se révéler plus faibles. Dans ce cas, un réseau à basse température (départ à 70°C, retour à 35°C) est plus adapté.
Outre les sources habituelles d’énergies renouvelables et de récupération (biomasse, géothermie profonde, chaleur fatale des UIOM), les réseaux à basse température peuvent faire appel à des sources d’une puissance thermique plus faible, de production plus intermittente, ou dont les points de production ou de récupération sont plus diffus.
Il s’agit notamment :
- du solaire thermique
- de la géothermie peu profonde
- de la récupération de chaleur des eaux usées et des bâtiments à énergie positive
Ces sources d’énergie peuvent être mobilisées à l’échelle du bâtiment, mais leur exploitation au travers d’un réseau de chaleur apporte des bénéfices supplémentaires :
- moins coûteux (investissement et fonctionnement) qu’un ensemble de systèmes individuels permettant de couvrir les mêmes besoins ;
- plus grande facilité pour mobiliser plusieurs énergies renouvelables différentes pour un même bâtiment (réseaux multi-énergies) et augmenter le taux de couverture par les EnR&R.
L’énergie solaire dans les réseaux de chaleur
Une centrale solaire rassemblant une grande surface de panneaux solaires thermiques (environ 1300 m² par MW de puissance) est installée à proximité du quartier à chauffer, qui est desservi par le réseau de chaleur.
La production solaire peut également être décentralisée : les panneaux solaires sont installés de façon diffuse dans la ville ou le quartier. Le réseau collecte l’énergie issue de ces différents lieux de production et la distribue aux bâtiments consommateurs. Cette approche présente l’avantage de permettre une consommation « sur place » d’une partie de la chaleur captée par les panneaux solaires, seul le surplus non nécessaire au bâtiment à l’instant considéré étant injecté dans le réseau.
La production d’énergie solaire étant par nature intermittente (sur une journée et sur une année), le réseau de chaleur solaire est équipé d’un dispositif de stockage, a minima journalier (l’énergie excédentaire accumulée la journée est distribuée la nuit), voire inter-saisonnier (stockage d’énergie en été afin de la distribuer en hiver).
Le stockage inter-saisonnier, facultatif, permet d’augmenter le taux de couverture des besoins par l’énergie solaire, mais nécessite des volumes de stockage relativement importants (environ 1m3 pour 50 kWh avec les technologies actuelles).
Sur la photo : la centrale solaire de Marstal au Danemark constituée de 18 300 m² de panneaux couvrant 40% des besoins de 1500 logements.
Exemples de réalisations
Il existe de nombreux exemples à l’étranger, et particulièrement en Europe. Les pays les plus avancés sont le Danemark, la Suède, l’Allemagne et la Suisse. En France, le premier réseau directement alimenté par du solaire thermique a été celui de l’écoquartier Balma-Grammont (Nord-Est de Toulouse), dont la mise en service a été réalisée en 2013. Ce réseau dessert 1200 logements, une école et une crèche. Le solaire apporte environ 15% de l’énergie du réseau, avec un complément bois-énergie.
Géothermie superficielle
Les réseaux de chaleur géothermique français, mis en place en majorité dans les années 80, font appel à une chaleur puisée dans des aquifères profonds (1 000 à 2000 m). Cette ressource fournit de grandes quantités de chaleur, mais elle n’est disponible que dans quelques régions et nécessite des investissements très importants. La géothermie superficielle (jusqu’à quelques dizaines de mètres, sur aquifère peu profond ou en échange direct avec le sol) fournit des quantités de chaleur plus faibles, mais le coût d’installation est compatible avec de petits réseaux de chaleur pour quelques dizaines ou centaines de logements récents.
La chaleur est collectée par différents systèmes (réseaux de capteurs horizontaux, champs de sondes verticales, fondations géothermiques…), associés à des pompes à chaleur (PAC).
La géothermie en échange direct avec le sol (sans aquifère) a un atout : elle est disponible partout (même si les performances dépendent du type de sol).
Exemples de réalisations
Les exemples sont nombreux à l’échelle d’un bâtiment, mais plus rares, en France, sur les réseaux de chaleur. Deux réalisations notables sont opérationnelles – toutes deux sur aquifère peu profond.
Le réseau de l’écoquartier du Fort d’Issy-les-Moulineaux puise dans l’aquifère de l’Albien (600 m, 40°C) afin de fournir 78% des besoins de chauffage, eau chaude sanitaire et refroidissement de 1500 équivalents logements, dont 1000 m² de commerce et une crèche.
Celui de l’éco-quartier Coeur de Ville, toujours à Issy-les-Moulineaux, fournira, à partir de 2022, de la chaleur et du froid à 627 logements et plus de 40 000m² de bureaux.
A Nanterre, l’écoquartier Sainte-Geneviève (650 logements) est couvert par un réseau alimenté en partie par la géothermie peu profonde.
A Strasbourg, dans le quartier de la ZAC de l’Etoile, un réseau puisant la chaleur dans le sol par le biais de sondes géothermiques intégrées aux fondations des bâtiments, a été retenu dans le cadre de l’appel à projets national Ecocités.
Récupération de chaleur des eaux usées et des bâtiments à énergie positive
Les réseaux d’assainissement ont une température de 15-20°C toute l’année, et par nature sont présents au cœur des zones urbanisées. Il est possible de prélever une partie de leurs calories en installant des échangeurs dans les canalisations, puis, à l’aide d’une PAC, de relever la température pour chauffer des bâtiments. Des retours d’expérience en Suisse montrent qu’un mètre de canalisation permet de produire de 2 à 8 kW de puissance de chauffage. La mise en œuvre est évidemment plus simple et moins coûteuse si elle est prévue en amont, dès la réalisation du réseau d’eaux usées, surtout si on souhaite développer ce système à l’échelle d’un quartier.
Une autre technique de récupération de chaleur peut consister en l’exploitation de la chaleur rejetée par le refroidissement de certains bâtiments, comme les centres informatiques ou les immeubles tertiaires. (cf. illustration de récupération de chaleur d'un data center à Marne-la-Vallée - source : Dalkia)
De façon plus expérimentale, plusieurs projets développent la récupération de chaleur dans les chaussées utilisées en quelque sorte comme des panneaux solaires thermiques (exemple du projet d’EuroVia).
Ces sources de récupération sont généralement diffuses sur un quartier ou une ville (un unique point de récupération est rarement suffisant pour alimenter tout le réseau). Le rôle du réseau de chaleur (qui peut également faire office de réseau de froid) est alors de collecter toutes ces sources pour redistribuer l’énergie.
Exemples de réalisations
Le réseau de l’écoquartier Boule-Sainte-Geneviève à Nanterre, précédemment évoqué, utilise la chaleur récupérée dans le réseau d’assainissement qui fournit 50 % du besoin énergétique en complément de la géothermie de faible profondeur. Le bouquet énergétique ainsi utilisé permet d’éviter l’émission de 13500 tonnes de CO2 par an, par rapport à une référence gaz. (cf. photos de plaques d'échangeur de chaleur dans le réseau d'assainissement - Source : Engie - lien vidéo)
De même à Amiens, les eaux usées entrent pour 31 % dans le bouquet énergétique des EnR&R du réseau de chaleur.
A une autre échelle, à Marne-la-Vallée, 600 000 m² de locaux, dont une piscine, sont chauffés par un réseau d’une puissance de 7,8 MW, alimenté en partie par la chaleur d’un data center de 8000 m².
Pour aller plus loin
Diaporama "LES RÉSEAUX DE CHALEUR ENR & R ..à part le bois.." proposé par le SNCU à Lanester en 2012.
Diaporama "Présentation du réseau de chaleur bois de Lanester" .