Rénover un réseau de chaleur

Photo du bandeau de titre : © Bordeaux Métropole

La moitié des réseaux de chaleur se sont développés avant les années 1980. Si bon nombre de ces réseaux sont toujours en bon état, d’autres présentent des signes de vieillissement (fuites, isolant dégradé,…) ou ont d’ores-et-déjà fait l’objet de travaux de rénovation. Cet article, ainsi qu’une note complète téléchargeable sur ce site, s’appuient sur des retours d’expérience de réseaux rénovés pour aider à diagnostiquer les différentes dégradations possibles, donner des ordres de grandeurs de coûts, des exemples de planification de travaux, les aides mobilisables, etc., pour rénover un réseau. Il donne également un aperçu des gains possibles après travaux.

Panorama des réseaux enquêtés en 2018

Une enquête a été lancée, sur mai-juin 2018, par l’ADEME-AMORCE-Cerema, auprès de collectivités et professionnels, afin de récolter le plus d’informations possible sur la rénovation des réseaux de chaleur en France. Voici un panorama des réponses reçues, correspondant à une vingtaine de réseaux de chaleur français.

Quelles sont les principales causes de dégradation ?

Les dégradations de canalisations de réseau de chaleur sont très souvent externes, dues à des travaux à proximité, des inondations/infiltrations de caniveaux/chambres de vannes/jonctions entre tuyaux, etc. Alors que la face interne des canalisations reste en bon état, la corrosion ronge les canalisations par l’extérieur jusqu’à créer des ouvertures qui permettent à l’eau chaude de s’échapper.

Retour d’expérience sur la rénovation du réseau de chaleur de La Rochelle

A La Rochelle, le réseau de chaleur des quartiers Port-Neuf et Mireuil est historiquement alimenté par la chaleur issue d’une usine d’incinération des déchets. Suite à des travaux de rénovation des chaudières de récupération, la quantité d’énergie valorisée sur le réseau a pu être augmentée. L’augmentation des débits a entraîné l’apparition de casses à répétition sur un secteur fragile, et sous dimensionné. La communauté d’agglomération de La Rochelle a donc décidé de refaire le réseau primaire intégralement à neuf, garantissant une fourniture de qualité tout en valorisant la chaleur de récupération disponible.

Enfin, la dilatation des tuyaux (sous l’effet des variations de températures, les tuyaux s’allongent ou se rétrécissent), si elle n’est pas bien prise en compte (lyres, coudes, compensateurs…) lors de leur mise en place, peut également entraîner des dégradations. Plus d’informations sur l’article DHCnews Gestion de la dilatation des réseaux de chaleur.

A travers différents indicateurs caractérisant la performance des réseaux

Un moyen assez simple d’estimer l’état d’un réseau est de mesurer et suivre différents indicateurs comme le taux d’appoint en eau, le rendement de distribution et le taux d’interruption de service. Plus d’indicateurs sur la publication Indicateurs de performance pour les réseaux de chaleur/froid (IGP-AMF-Amorce-SNCU-USH de 2009).

Le taux d’appoint en eau

Le taux d’appoint en eau est le ratio de la quantité de mètres cubes d’eau injectée dans le réseau sur la quantité d’énergie livrée par celui-ci aux sous-stations. Il permet d’estimer l’ampleur des fuites. En-dessous d’environ 0,05 m³/MWh, le taux d’appoint en eau est considéré comme très bon et au-delà d’environ 0,150 m3/MWh il est considéré comme élevé.

Flèche présentant les consommations d'eau croissantes de plusieurs réseaux

Exemples de taux d’appoint en eau d’un échantillon d’une vingtaine de réseaux de chaleur avec pour certains l’évolution sur plusieurs années en m3/MWh

Le rendement de distribution

Le rendement de distribution est la quantité d’énergie livrée aux sous-stations sur la quantité d’énergie sortant de la chaufferie (ou des chaufferies). Il permet d’estimer l’état de l’isolation du réseau primaire. Les 17 réseaux ayant fait l’objet de l’enquête ont un rendement compris entre 75 et 95 %.

Le taux d’interruption de service

Le taux d’interruption pondéré du service est le produit des heures d’interruption de service (interruptions > 4h) par la puissance souscrite des abonnés impactés sur le produit du nombre d’heures total de fonctionnement prévu et de la puissance totale souscrite par les abonnés.

Un réseau de 2 MW de puissances souscrites totales ayant cessé de fonctionner 30 heures pour 50 abonnés à 7kW (ou 1 sous-station à 350 kW) et 40 heures pour 30 abonnés à 10kW (ou 1 sous-station à 300 kW) aura un taux d’interruption pondéré du service de 0,13 %.(30×350+40×300)/(8760×2000) =0,0013

Ce taux est difficile à calculer mais il est pertinent pour estimer la qualité du service rendu aux usagers. 8 des 17 réseaux examinés ont renseigné ce taux : 4 réseaux sont à 0 et les 4 autres à moins de 0,2 %.

Par un repérage et une détection des fuites

Outre la réalisation de sondages successifs le long du réseau, il existe des moyens non destructifs pour repérer les fuites.Voici la synthèse des principaux types de détection recensés :

Comparaison des principaux moyens de détection des fuites

Ces moyens sont détaillés dans la note plus complète sur la rénovation d’un réseau de chaleur. Quels que soient les moyens de détection utilisés, il est intéressant de noter les fuites et les problèmes rencontrés sur le réseau dans un système d’information géographique permettant d’avoir une carte du réseau avec ses principales caractéristiques.

Quels sont les travaux de rénovation réalisables ?

La réparation de fuites et le remplacement de tronçons

L’anticipation de ces travaux, grâce à un diagnostic de repérage le plus précis possible, permet de réduire les coûts et les gênes occasionnées. Le coût de remplacement des tronçons varie, en fonction du diamètre et des conditions de mise en œuvre, en moyenne de 500 à 1 000 €/ml, voire plus lorsqu’il s’agit de travaux sur des diamètres importants en milieu urbain dense. Deux pratiques sont constatées :

  • le remplacement des tuyaux : les vieux tuyaux sont enlevés et de nouveaux sont mis en place.
  • le « renforcement » des tuyaux : les vieux tuyaux sont laissés (mais sont inutilisés et donc considérés comme des déchets) et de nouveaux sont mis en parallèle.

Il est bien sûr préférable d’enlever les vieux tuyaux inutilisés, cela permet de ne pas encombrer inutilement le sous-sol, mais c’est aussi plus coûteux.

Le maillage du réseau

 

Schéma de principe du maillage d'un réseau

Principe du maillage d’un réseau – Source : Cerema

L’installation d’organes d’isolement et le maillage d’un réseau pour que la fourniture de chaleur puisse être maintenue sur un maximum de tronçons tout en stoppant la circulation de l’eau sur la zone problématique sont des dispositions qui permettent de sécuriser le réseau.

Il est plus facile (techniquement et économiquement) de mailler les grands réseaux, qui ont déjà un tracé et une emprise sur le territoire importants, que les plus petits qui ne suivent qu’une ou deux routes de façon relativement linéaire.

Le passage en basse pression

Au-delà des rénovations de réseau, le passage en basse pression peut diminuer de moitié les pertes thermiques de réseaux.

Comment programmer et financer ces travaux ?

Priorisation des rénovations par tronçons dans le nouveau contrat de DSP du réseau des Hauts de Garonne. Source : Bordeaux métropole

Une fois les problèmes connus et diagnostiqués, un programme pluriannuel de travaux de rénovation est souvent réalisé, en classant les tronçons par priorité d’intervention (exemple ci-contre : les tronçons rouges les plus sinistrés et verts en bon état). On a pu constater que la programmation des travaux est une étape importante pour obtenir le plus de gains possibles pour la collectivité, l’exploitant, les abonnés et les usagers.

En effet, les rénovations curatives (réparation de fuites, remise en état, etc.) ne permettent pas d’améliorer significativement le service rendu. De plus, un bon suivi des problèmes, diagnostics et rénovations, sous format cartographique, est une composante clé de la réussite de la programmation d’importants travaux.

Cartographie du phasage de la rénovation du réseau de chaleur

La moitié des réseaux examinés utilisent le compte P3 (composante R3 de l’abonnement) de gros entretien renouvellement pour financer les rénovations du réseau primaire. Le renouvellement de DSP et les programmes d’extension/densification du réseau sont également l’occasion de rénover le réseau, avec l’aide possible du Fonds Chaleur de l’ADEME. Sinon, les Certificats  d’Économie d’Énergie (CEE) sont mobilisables pour financer une partie des travaux. Le schéma directeur est un bon outil de planification des rénovations, et permet d’augmenter les gains après rénovation.

Légende de la cartographie du phasage de la rénovation du réseau de chaleur

Quels sont les gains après rénovation ?

De nombreux avantages ont été constatés suite à la rénovation d’un réseau, surtout si celle-ci a été bien planifiée en amont. En premier lieu, cette opération  permet  de diminuer les fuites, mais aussi de :

  • consommer moins d’eau et d’énergie (à peu près pour tous les réseaux examinés),
  • augmenter le rendement par une meilleure résistance thermique des canalisations (Évreux),
  • améliorer la qualité de service rendu aux usagers (moins d’interruptions non programmées ; en cas de maillage, possibilité d’isoler plus facilement le problème et limiter le nombre d’abonnés impactés, etc.),
  • réduire les contraintes pour les réseaux qui sont passés en basse pression,
  • pouvoir densifier le réseau sans augmenter la puissance en chaufferie (Colmar, Le Mans, Grenoble, Carrières-sur-Seine),
  • augmenter le recours à une source renouvelable ou de récupération (La Rochelle),
  • avoir recours à une nouvelle source renouvelable ou de récupération (Le Mans, Évreux)…

Cette liste, non exhaustive, montre bien l’importance de chaque étape que sont le diagnostic, le choix des travaux à réaliser et leur programmation.
Lorsque les travaux sont planifiés en amont et intégrés dans un contrat ou renouvellement de contrat (type DSP), cela peut, en outre, permettre de baisser le tarif à l’usager (-30% en moyenne au Mans et entre -5 et 10% à La Rochelle).