Prix de la chaleur et facturation

Avec les réseaux de chaleur, le prix de la chaleur livrée se construit différemment des autres modes de chauffage. Cela se traduit parfois par une facturation difficile à interpréter. Or, pour l’usager, comprendre sa facture de chauffage urbain, c’est également comprendre le projet de réseau de chaleur de la collectivité maître d’ouvrage et la démarche d’aménagement énergétique urbain dans laquelle il s’inscrit. Cette fiche propose une clarification de la façon dont le prix du chauffage urbain est constitué et comment il peut évoluer.

Les composants du coût de la chaleur

Les spécificités du prix des réseaux de chaleur

Peu de personnes connaissent précisément ce que recouvre la facture d’électricité ou de gaz, mais on accorde au prix de ces énergies une certaine confiance, du fait de l’existence d’une régulation nationale. A la différence d’un réseau de chaleur dont la réalisation est unique, portée par des acteurs locaux sur une zone de chalandise plus locale, souvent une partie de commune, les prix, tout comme leur constitution et leur évolution, varient donc sensiblement d’un réseau à l’autre.

En chauffage individuel gaz ou électrique, l’achat de la chaudière, son entretien et les réparations ne sont pas compris dans la facture énergétique : ils constituent des postes de dépenses à part. De même, avec les chaufferies collectives, ces coûts sont souvent intégrés aux loyers ou charges de copropriété. Cet investissement, dans le cas du chauffage urbain, est directement inclus dans la facture énergétique car il ne serait pas possible d’envoyer un appel de fonds aux usagers pour financer une réparation sur une conduite du réseau, par exemple. Cette spécificité impacte la structure tarifaire de la chaleur. Il convient d’être prudent sur ce point dans la comparaison tarifaire des modes de chauffage.

Une autre particularité des réseaux de chaleur est que l’abonné n’est pas nécessairement l’usager final mais souvent plutôt le gestionnaire de l’immeuble collectif (bailleurs, copropriétés, régies, etc.). Les raccordements de maisons individuelles restent en France une exception. Depuis une dizaine d’années, les immeubles neufs sont équipés de compteurs de chaleur individuels par logement : pour les plus anciens qui en sont dépourvus, le comptage se fait par sous-station, pour tout l’immeuble voire un ensemble d’immeubles. Le coût de la chaleur est ensuite facturé sur la base d’une mesure de consommation réelle ou bien réparti dans les charges locatives, selon une clé de répartition.

Le prix de la chaleur payé par l’abonné à l’exploitant du réseau

Les trois principaux postes de dépense d’un réseau de chaleur sont :

  • l’achat du combustible pour produire la chaleur (bois, gaz, fioul) ou l’achat de la chaleur directement à un tiers (chaleur fatale d’une UIOM, chaleur d’un autre réseau, etc.).
  • les dépenses de fonctionnement et d’entretien qui couvrent le personnel nécessaire à l’exploitation des chaufferies centrales, l’électricité pour faire fonctionner les auxiliaires du réseau de distribution, le renouvellement de pièces défaillantes, etc.
  • l’amortissement des équipements (systèmes de production de chaleur, tuyaux, sous-stations) et de leur installation initiale ainsi que des extensions.

Suivant le mode de gestion du réseau de chaleur (régie, DSP en concession ou en affermage), son gestionnaire peut également s’octroyer un bénéfice sur la vente de chaleur.
La facture envoyée aux abonnés par le gestionnaire du réseau doit couvrir l’ensemble des dépenses ci-dessus. Comme pour l’électricité et le gaz, cette facture est binomiale avec une part variable (R1) fonction de la consommation de l’usager et une part fixe généralement fonction de la puissance souscrite (R2).

Source fedene.

Compteurs individuels de chauffage dans un immeuble raccordé à un réseau de chaleur urbain

compteurs individuels de chauffage dans un immeuble raccordé à un réseau de chaleur urbain

Part variable R1

Ce terme couvre l’achat de combustible. Il résulte du produit de la consommation de l’abonné par le prix de la chaleur (€/MWh). Il dépend du prix des combustibles utilisés et du rendement du réseau. Dans le cas d’un réseau avec un mix énergétique diversifié, le prix du MWh s’obtient en faisant la moyenne des coûts de chaque combustible, pondérée par leur part dans le mix énergétique.
Exemple : réseau de chaleur bois avec appoint gaz → R1= (a.R1bois + b.R1gaz)x consommation, avec R1bois le prix du combustible bois en €HT/MWH, R1gaz le prix du gaz en €HT/MWh, a le taux de couverture bois et b le taux de couverture gaz.
Le terme R1 représente 30 à 70 % de la facture, suivant le type de réseau. Ce très grand écart entre les deux extrêmes s’explique par la grande diversité des sources de chaleur ou d’énergie utilisée pour la produire.
Ainsi, pour les réseaux géothermiques par exemple, la part combustible est très faible puisque le gros de la dépense réside dans le forage et donc dans le R2 (pas d’achat de combustibles à proprement parler). Pour les réseaux sur UIOM, la part R1, correspondant à l’achat de chaleur, est relativement plus importante puisque l’installation principale de production de chaleur (l’UIOM) ne rentre pas dans les coûts d’investissement du réseau de chaleur (installation déjà existante). Le R2 est donc proportionnellement plus faible.

Parfois, la consommation pour l’eau chaude sanitaire (ECS) est distinguée avec l’apparition d’un terme R1ecs qui peut être calculé à partir de la consommation réelle en m³ (le terme est alors exprimé en €/m³).

Part fixe (ou abonnement) R2

La nature capitalistique d’un réseau de chaleur a pour conséquence une part plus forte de l’abonnement, par rapport aux autres solutions de chauffage. Il peut parfois atteindre 70% du prix de la chaleur. En général, le R2 est la somme des termes suivants multiplié par la puissance souscrite (ou la surface du logement) :

  • R21 : charges d’électricité pour assurer la production et la distribution de la chaleur
  • R22 : charges de conduite et petit entretien des installations
  • R23 : charges de gros entretien et de renouvellement des installations
  • R24 : charges de financement (remboursement de l’emprunt) de la création et l’installation initiale du réseau de chaleur

La puissance est souscrite sur une durée longue et ne peut être révisée en cours de contrat que dans certains cas (ou avec l’accord de l’exploitant du réseau).
La facture que le gestionnaire du réseau adresse à l’abonné est donc du type :


(aR1bois+bR1gaz) x MWh consommés + (R21+R22+R23+R24) x P souscrite


Certains contrats possèdent d’autres termes et découpages. Notamment, une surtaxe peut apparaître correspondant à l’amortissement des travaux.
Les termes R1 et R2 sont parfois regroupés sous le terme P1 (à ne pas confondre avec le P1’ et le P2 qui correspondent aux charges relatives au réseau secondaire, voir ci-dessous).

La TVA

Les termes R1 et R2 décrits ci-dessus sont assujettis à la TVA, comme pour l’électricité et le gaz. L’abonnement (R2) est soumis à une TVA réduite (5,5 %). La part variable (R1), habituellement soumis à une TVA classique (20 %), peut bénéficier d’une TVA réduite (5,5 %) lorsque le réseau de chaleur utilise plus de 50 % d’énergie renouvelable et de récupération. Cette mesure fiscale incitative a pour objectif d’encourager les exploitants et leurs donneurs d’ordre à rechercher des sources d’énergie EnR&R afin de contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux de réduction des émissions de GES, avec un bénéfice financier immédiat pour les usagers qui sont les payeurs de la TVA.

La gestion du réseau secondaire

En plus de ce qu’il paie à l’exploitant du réseau de chaleur pour l’achat de la chaleur livrée à la sous-station, le gestionnaire de l’immeuble (abonné du réseau de chaleur) doit assurer le fonctionnement du réseau secondaire (canalisations et appareils acheminant la chaleur de la sous-station en pied d’immeuble jusqu’aux logements), rassemblés généralement sous les termes P2 et P1’. Lorsqu’il ne l’assure pas en régie, le gestionnaire d’immeuble s’acquitte donc d’une prestation auprès d’un gestionnaire du réseau secondaire, pour les coûts d’entretien et d’exploitation  de ce réseau. L’amortissement de ce réseau secondaire et son gros entretien sont parfois également facturés, via les termes P4 et P3 (respectivement).


Le prix à l’usager

L’abonné répartit sur les usagers finaux (locataires, propriétaires) le coût de la chaleur de la manière suivante :

  • La facture qu’il a réglée à l’exploitant du réseau de chaleur (R1 + R2, parfois appelé P1)
  • La facture liée au secondaire (P1’ + P2 + (P3+P4)). Les termes P3 et P4 sont payés uniquement par les propriétaires et ne sont pas récupérables en tant que charges locatives.

Il arrive que la facture reçue par l’usager final ne distingue pas la part liée au réseau de chaleur (R1 + R2, également regroupés sous le terme P1) et celle liée au secondaire (P1’ + P2), qui relève de la responsabilité du gestionnaire de l’immeuble. Ceci génère parfois des incompréhensions, voire des tensions entre les usagers, les abonnés, l’exploitant et la collectivité. D’où la nécessité de bien expliquer les différents termes de la facture par souci de transparence pour les usagers.
Bien entendu, lorsque l’abonné est directement l’usager final de la chaleur, la situation est plus simple puisqu’il dispose de la visibilité complète des différentes dépenses.

L’indexation et l’évolution de la facture

Contrôler les prix

Les réseaux de chaleur sont des investissements sur le long terme. Pour déterminer le juste prix de la chaleur qui permettra d’amortir l’investissement initial, les projections économiques et financières sont réalisées sur une vingtaine d’années. Les règles de l’évolution des prix sont ainsi définies dès la naissance du projet.
Certaines composantes du prix varient d’ailleurs pas ou peu au fil des ans. Pour le terme R1, l’indexation est basée sur les indices de prix des combustibles utilisées (FOD (Fioul Domestique), PEG-Nord, etc.). Pour le combustible bois, pendant longtemps, il a été difficile de trouver des références. Dorénavant, le  Centre d’Études de l’Économie du Bois (CEEB) publie régulièrement les prix et indices sur le bois énergie et rend l’indexation du terme R1 bois facile. Le terme R2 quant à lui, est plutôt indexé sur des indices de coût de la main d’œuvre, de prestation de service et de prix de l’électricité.
Il est nécessaire de vérifier la cohérence de l’indexation. La biomasse ne doit pas être indexée sur le prix du fioul. De même, le poids de chaque terme dans la facture doit refléter la structure des coûts. Cela nécessite une vigilance de la part de la collectivité et du gestionnaire lors de la passation de la DSP mais également des abonnés, lors de la signature du règlement de service ou police d’abonnement.

Schéma d’hypothèses d’évolution dans le temps des valeurs de R1 et R2 selon le type de réseau

L’évolution de la facture

Les graphes ci-dessus présentent des hypothèses d'évolution du prix de la chaleur pour trois situations.

Le terme R1 étant indexé sur le prix des combustibles, il est potentiellement volatile.
Le terme R2 est plus stable et prévisible puisque constitué pour l’essentiel de l’investissement initial dans le réseau. Ainsi, plus la partie fixe est importante par rapport à la part variable, plus l’abonné est protégé des augmentations de facture dues à la hausse des prix de l’énergie.
Le terme R1 du chauffage au gaz ou à l’électricité est largement majoritaire dans la facture. Celle-ci peut donc varier beaucoup plus fortement au fil des années.
Mais le poids important de l’abonnement peut également présenter l’inconvénient de ne pas inciter les usagers à maîtriser leur consommation (faible impact sur la facture d’une consommation élevée).
Les collectivités restent libres de définir les modalités de tarification applicables dans la limite du principe d’égalité de traitement et de tarification des services publics. Il est cependant indispensable pour une collectivité de comprendre à quelle dépense correspond chaque terme et comment ceux-ci sont indexés afin de pouvoir à la fois anticiper les évolutions et à la fois communiquer facilement les informations aux abonnés et usagers.