Transfert de la compétence réseaux de chaleur ______________________ Loi MAPTAM

Après l’adoption de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM), toutes les métropoles sont en charge de la problématique énergie. Si certaines d’entre elles avaient anticipé le transfert de la compétence de distribution de chaleur et de froid, d’autres ont dû faire face à certaines difficultés qui parfois subsistent encore aujourd’hui. Cette page dresse un bilan des freins mais aussi des opportunités du transfert de la compétence réseaux de chaleur en décrivant notamment des solutions mises en œuvre par les métropoles.

Contexte de la loi MAPTAM

Une nouvelle définition des métropoles

La notion de métropole a émergé avec la création de Nice Côte d’Azur, pionnière, en octobre 2011. La loi MAPTAM, du 27 janvier 2014, marque une nouvelle étape de la décentralisation et prend acte de la métropolisation du territoire en créant un nouveau statut pour les métropoles. « Au 1er janvier 2015, sont transformés par décret en une métropole les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine, au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, de plus de 650 000 habitants » (Art. L5217-1 du code général des collectivités territoriales).

Carte de France et ses métropoles

 

De nouvelles compétences

La loi MAPTAM a modifié le code général des collectivités territoriales, en particulier l’article L5217-2 qui définit les compétences transférées aux métropoles. Dans le domaine « énergie-climat », les compétences transférées affirment le rôle des métropoles dans la planification énergétique du territoire. Celles-ci exercent de plein droit, en lieu et place des communes membres, la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion de réseaux de chaleur ou de froid.

Les obstacles et leviers liés au transfert

Si certaines métropoles, telles que Nantes, avaient anticipé le transfert de la compétence réseaux de chaleur, d’autres ont eu plus de difficultés. Voici un bilan des principales difficultés liées à la prise de compétence « réseaux de chaleur » et les solutions apportées par les collectivités pour y faire face.

Les difficultés rencontrées

L’un des freins principaux à la prise de compétence des métropoles est la crainte des communes de subir une baisse de leur budget. En effet, les réseaux de chaleur peuvent être source de recettes du point de vue des communes. Des négociations et une bonne communication sont alors nécessaires entre la métropole et les communes pour que ces dernières ne se sentent pas lésées.
Cette difficulté est exacerbée par la présence de subvention d’aide à la création de réseaux de chaleur, notamment le Fonds chaleur. Lorsque la commune possède un contrat avec l’ADEME pour le Fonds chaleur, le versement s’effectue en plusieurs phases. Si la métropole reprend la gestion du réseau de chaleur avant la fin des versements, il faut alors créer un avenant afin de préciser le nouveau bénéficiaire ainsi que le montant qu’il reste à verser. Pour cela, la métropole a besoin d’établir un bilan budgétaire parfois délicat à obtenir lorsque les communes ne tenaient pas de comptabilité propre à ces opérations.
La prise de compétence a contraint les métropoles à reprendre la gestion de nombreux réseaux de chaleur de tailles plus ou moins importantes. Elle s’est traduite par une surcharge d’activité, le temps que les contrats de Délégation de Service Public (DSP) soient basculés des communes aux métropoles. De plus, la loi stipule que tous les réseaux de chaleur doivent être repris. Or pour certains réseaux de très petite taille et peu structurants, les métropoles ont du mal à en percevoir l’intérêt et à les insérer dans leur planification énergie-climat.
Le transfert de la compétence réseaux de chaleur implique une perte d’activité pour les communes qui en avaient la gestion. Néanmoins, cela n’a pas justifié de transfert de personnels car la part du temps consacrée à cette gestion ne représente généralement pas un ETP complet ou est répartie entre plusieurs agents.
De manière plus générale, c’est la partie « administrative » qui est la plus lourde lors de la reprise de réseaux et qui demande environ un an pour être approuvée par les parties prenantes.

Les solutions mises en place

Pour prendre en charge ce transfert de compétence, certaines métropoles ont ouvert des postes d’ingénieur en chauffage urbain. Bien que cette solution soit globalement satisfaisante sur le plan technique, elle n’a pas toujours permis de répondre aux exigences liées à la gestion de l’ensemble des réseaux. En particulier, il a fallu évaluer le temps passé par les communes concernées à la gestion de leurs réseaux afin de recruter le nombre adéquat d’ETP, ce qui a parfois donné lieu à une compensation financière des communes vers la métropole.
C’est notamment le cas des métropoles qui n’ont pas toujours eu le temps de se préparer en amont ou d’en évaluer avec précision les impacts. Les futures agglomérations qui passeront au statut de métropole devraient quant à elles avoir le temps de s’y préparer.
Pour pallier cette surcharge ponctuelle d’activité, qui atteint potentiellement des pics en cas de renouvellement de DSP, certaines métropoles ont trouvé plus simple de prolonger les DSP d’un an, temps nécessaire pour la montée en puissance des équipes. La gestion d’un réseau de chaleur demande de bien maîtriser les installations, il est donc parfois préférable de prévoir une période d’appropriation du réseau avant de relancer une consultation publique vise à l’attribution d’une nouvelle DSP. Cela permet en outre de lisser l’activité sur plusieurs années.
L’établissement d’un bilan comptable individualisé de l’activité de chaque réseau de chaleur a parfois été nécessaire. Là, seule la collaboration entre communes et métropoles permet de lever la difficulté. Dans certains cas, les communes tiennent une comptabilité propre aux réseaux de chaleur qui permet d’avoir une bonne vision sur l’état de l’activité. Lorsque ce n’est pas le cas, un travail de collaboration poussé est nécessaire afin de bien identifier les dépenses et recettes qui correspondent aux réseaux de chaleur.

Les bénéfices déjà visibles

La loi MAPTAM a fait naître onze  métropoles au 1er janvier 2015 (elles sont aujourd’hui quinze). Les métropoles interviewées par le Pôle réseaux de chaleur du Cerema l’ont été environ un an après la promulgation de la loi MAPTAM. Bien que le recul soit faible, le bilan reste contrasté face aux difficultés rencontrées. Certaines métropoles expriment cependant des bénéfices déjà visibles ou à venir à court terme.
Le principal bénéfice affiché par les métropoles interrogées est celui de la montée en compétence s’appuyant sur des personnes ressources voire expertes dans leurs équipes. Avant la création des métropoles, les réseaux de chaleur étaient dispersés entre de nombreuses communes qui chacune y faisait face avec leurs modestes moyens. Mais depuis 2015, les métropoles ont pu se doter d’équipes (une à trois personnes) pour faire face aux problématiques liées à la gestion de ces réseaux. Cela a permis de prendre de l’autonomie vis-à-vis des bureaux d’études et de mieux apprécier les besoins lors de la passation de marchés.
Le transfert de compétence permet aux métropoles de porter des études sur une échelle beaucoup plus large, de mettre en lien des réseaux et d’en développer de plus pertinents en cohérence avec le projet de territoire, alors que des communes voisines auparavant, possédant des réseaux de chaleur, ne voyaient pas toujours l’intérêt de se relier. Le passage au statut de métropole a donc parfois permis de porter une réflexion plus globale aboutissant à des interconnexions.
Dans cette approche territoriale élargie, certaines communes qui n’étaient pas en capacité d’envisager la création d’un réseau de chaleur peuvent désormais, dans le cadre de la métropole, faire valoir leurs arguments et bénéficier d’une expertise ainsi que d’une capacité financière nouvelle.
Outre l’aspect planification, il y a également un bénéfice non négligeable en termes de rentabilité financière liée à un facteur d’échelle. Le fait que la métropole assure la gestion des réseaux de chaleur lui permet notamment de passer des marchés groupés pour les dépenses liées au fonctionnement des chaufferies. Ceci est généralement l’occasion de faire des économies en influant sur la quantité de prestations demandées.

Les opportunités sur le long terme

La prise de compétence au niveau de la métropole s’avère être une opportunité pour le développement durable du territoire, permettant une approche intégrée « planification – énergie » à l’échelle du territoire métropolitain.
L’échelle de la métropole permet de coordonner le développement des réseaux de chaleur et leur bon dimensionnement dans un souci de meilleur usage de l’argent public. Dans ce contexte multi-réseaux, le déploiement des énergies renouvelables pourra être pensé de manière plus optimale. A titre d’exemple, le Grand Lyon a entamé la démarche d’élaboration d’un schéma directeur toutes énergies. La LTECV impose la réalisation de schémas directeurs des réseaux de chaleur mais en allant plus loin, en effectuant un travail de cartographie dynamique des consommations, le Grand Lyon s’est doté d’un outil de planification énergétique du territoire puissant.
Sur le long terme, la mobilisation des autres EPCI sur les compétences énergie (bien qu’ils n’y soient pas obligés) faciliterait le développement des smartgrids multi-énergies ainsi que la création et la mutualisation de moyens de stockage.
Le transfert de compétence présente également un atout pour la gestion du patrimoine immobilier. La connaissance des zones non desservies et difficilement raccordables à des réseaux de chaleur permettra par exemple, la priorisation des bâtiments à rénover. Les bénéfices environnementaux de la réhabilitation thermique d’un bâtiment chauffé sont en effet d’autant plus forts que l’énergie utilisée avant le raccordement au réseau est d’origine fossile.
Enfin l’article 179 de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte précise que « les gestionnaires de réseaux de chaleur sont chargés […] de mettre à la disposition des personnes publiques les données disponibles de production et de consommation de chaleur, dès lors que ces données sont utiles à l’accomplissement des compétences exercées par ces personnes publiques ». Ces données étant complexes, la mutualisation des moyens lèvera en partie les problèmes de gestion de ces dernières. Les métropoles pourraient ainsi créer un système d’information géographique regroupant l’ensemble des données des réseaux d’énergie, outil particulièrement utile, voire indispensable, à l’élaboration des projets d’aménagement.