Les réseaux de chaleur: de la planification à la réalisation
Mémoire de Master 2
Les réseaux de chaleur, de la planification à la réalisation. Mémoire de Master 2 en droit de l’urbanisme et de l’aménagement, sous l’encadrement du pôle Réseaux de Chaleur du Cerema. Travail réalisé par Sarah Rayczakowski, étudiante à la faculté de droit et science politique de l’université de Rennes .
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Résumé
Le système de production et de distribution d’énergie français, qui se caractérise par une forte centralisation, a été modifié, par étapes successives, dans le sens d’une intervention croissante des collectivités.
Dès les années 1930, quelques communes font le choix de l’installation de réseaux de chaleur, c’est-‐à-‐dire un ensemble de canalisations distribuant de la chaleur à différents bâtiments. Les motivations d’un tel investissement sont liées aux contextes politiques propres à chaque ville. Ainsi, Paris entend assurer le préchauffage des trains en gare de Lyon et la municipalité de Villeurbanne, quant à elle, se positionne de manière sociale afin « d’élever le niveau de vie des classes laborieuses. » Plus tard, dans le cadre des Zones d’Urbanisation Prioritaire, les réseaux de chaleur s’implantent au sein des grands ensembles de logements ; cependant, en raison de leur fonctionnement majoritairement à base de fioul lourd, le choc pétrolier de 1974 va freiner considérablement leur développement.
La loi du 15 juillet 1980 relative aux économies d’énergie et à l’utilisation de la chaleur, en instituant des aides pour promouvoir le développement des réseaux de chaleur, va permettre de dynamiser le secteur dans une logique de maîtrise et de substitution d’énergie. A partir de cette loi, la motivation pour installer ces équipements collectifs de chauffage se transforme, en mettant l’accent sur la dimension énergétique. La croissance des réseaux de chaleur s’est ralentie depuis l’augmentation des cours des énergies fossiles due à leur raréfaction; néanmoins, la mise en place de soutiens publics pour le développement de l’énergie bois et la valorisation des déchets ménagers a stimulé la demande de réseaux de chaleur.
Ce renouveau des réseaux de chaleur tient aussi à l’essor de la cogénération, c’est-à-dire la production simultanée de chaleur provenant de deux énergies différentes au cours d’un même processus. En effet, bien qu’existants depuis la loi de nationalisation de 1946, les contrats d’obligation d’achat, par EDF, de l’électricité produite par la cogénération n’ont pas réellement favorisé le développement des réseaux de chaleur en dépit de la négociation d’un nouveau contrat de rachat en 1997.
Cependant, ce ne sont qu’avec les objectifs fixés par les lois Grenelle 4 en matière de réseaux de chaleur qu’un nouveau souffle est donné au chauffage urbain. Ils visent à permettre aux collectivités de valoriser les ressources locales d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) en se saisissant des enjeux liés à l’énergie, de la production jusqu’à l’usager final. En effet, 23% de la production nationale d’énergie devra être renouvelable en 2020, ce qui signifie une production de près de 20 millions de tonnes d’équivalent pétrole d’EnR&R de plus dans la production annuelle. Il s’agit d’une augmentation de 2,5 millions de tep concernant les réseaux de chaleur, soit une multiplication par 6 de la production par rapport à 2007 qu’il est nécessaire de calibrer juridiquement. En 2007, sur un total de 162 Mtep de consommation finale énergétique, 83,8 Mtep, soit un peu plus de la moitié (52,0%), ont été consommées sous forme de chaleur 5 .
Les réseaux de chaleur constituent un moyen essentiel pour atteindre les objectifs de développement de la chaleur renouvelable. Ils sont d’une part l’expression de la volonté d’une collectivité territoriale de se saisir de l’ensemble des enjeux liés à l’énergie, et d’autre part, techniquement, ils permettent d’utiliser des énergies «difficiles» et, s’agissant de renouvelables, telles la biomasse sous toutes ses formes, la géothermie et l’incinération des déchets. En outre, les réseaux de chaleur permettent de mieux contrôler les émissions polluantes, notamment en cas de combustion de biomasse.
Or, les réseaux de chaleur sont, par nature, des infrastructures intimement liées à l’aménagement urbain communal ou intercommunal. Leur tracé suit généralement celui de la voirie qui relie et irrigue les quartiers ; leur pertinence économique dépend alors de la densité et de l’usage des bâtiments sachant que l’amortissement d’un tel équipement se calcule à long terme à l’image de la plupart des infrastructures urbaines.
Bien qu’existants depuis des décennies, et de manière plus aboutie dans d’autres pays européens au passé communiste, le développement des réseaux de chaleur français est en manque de vitalité. Dès lors, on peut se demander quels sont les moyens offerts aux collectivités désireuses de se positionner sur ce domaine? Les documents de planification qu’ils soient énergétiques ou urbains permettent-ils la prise en compte effective des réseaux de chaleur ? Enfin, une fois la planification établie, la réalisation de ces infrastructures de chauffage urbain est-‐elle accompagnée juridiquement pour favoriser le développement de la filière ?
Pour permettre de cerner au mieux les enjeux actuels au sujet des réseaux de chaleur, la première partie de ce mémoire porte, d’une part, sur la planification énergétique de cette installation, et d’autre part, sur sa planification urbaine. (Partie 1) La seconde partie aborde la prise de compétence « réseau de chaleur » des collectivités territoriales au profit desquelles existent des outils financiers et structurels leur permettant de réaliser les projets de réseaux de chaleur. (Partie 2)