Développer l’offre de chaleur issue de la méthanisation
La méthanisation correspond à la digestion anaérobie de la matière organique au cours de laquelle deux composés principaux sont formés, le biogaz constitué de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) et un fertilisant appelé digestat. Le biogaz produit peut être valorisé sous forme d’électricité, de chaleur, de biocarburant ou être directement injecté dans le réseau de gaz.
Aujourd’hui, plus de 90 % des unités de méthanisation qui produisent de la chaleur à partir du biogaz le font, soit à l’aide d’une chaudière (27 %), soit par cogénération (65 %). Cette chaleur renouvelable peut être valorisée par la mise en place d’un réseau de chaleur associé et des débouchés à proximité de l’installation. Cependant, les réalités de terrain ne permettent pas toujours d’optimiser la valorisation de cette chaleur. Le recueil de témoignages de gestionnaires d’unités de méthanisation a permis de comprendre les points bloquants et de formuler des propositions d’actions permettant d’améliorer la valorisation de la chaleur issue de la filière méthanisation.
Ci-dessous un schéma complet du producteur au consommateur du gaz produit par un méthaniseur (infographie Ministère en charge de l'écologie)
État des lieux de la méthanisation en France
Fin 2016, la France dénombrait plus de 520 installations de méthanisation réparties inégalement sur le territoire. Parmi ces unités la moitié sont des unités de production à la ferme qui, à elles seules, valorisent en chaleur l’équivalent de la consommation énergétique d’environ 7 000 maisons de 100 m².
La trentaine d’unités centralisées valorisent quant à elles en chaleur, la consommation de plus de 10 500 maisons de 100 m². La majeure partie des exploitations se concentre en région Grand-Est (15 %), Bretagne (12 %) et Auvergne-Rhônes-Alpes (11 %).
La valorisation majoritaire est assurée par cogénération (65 % des installations dont 90 % au sein des unités à la ferme), bénéficiant ainsi des tarifs de rachat d’électricité encadrés depuis 2006.
Ci-contre la répartition par région administrative des unités de méthanisation selon le type de valorisation (Cerema – données SINOE 2016)
Les principaux freins évoqués par les acteurs
Le montage du projet et l’accompagnement
Le montage d’un projet de méthanisation est une démarche longue, qui peut être vue comme un frein à l’émergence de nouveaux projets. Sa complexité conduit parfois à son abandon. Un accompagnement des projets est donc primordial pour le développement d’unités pérennes et rentables. Les facilitateurs de projet sont nombreux et peuvent intervenir à différentes étapes du projet, de la réflexion très en amont à l’exploitation du site. On peut citer parmi d’autres l’ADEME, les chambres d’agriculture, la Région, l’État, le Cerema, les bureaux d’études, Amorce, la FNCCR, Enedis, Grdf, etc.
Les aspects techniques
La localisation du site vis-à-vis des besoins en chaleur est primordial puisqu’une distance trop importante peut conduire à des surcoûts de raccordement ou de création de réseaux de chaleur.
Cette réflexion sur le choix de l’implantation peut être conduite en lien avec les projets de la collectivité sur son territoire afin d’optimiser les débouchés thermiques pour l’unité de méthanisation (voir partie sur les enjeux sociaux et territoriaux).
L’autre aspect important à prendre en compte est la saisonnalité des besoins en chaleur. La mixité et la complémentarité entre usages est l’un des moyens pour lisser la demande sur l’ensemble de l’année. Même si les techniques sont encore en maturation, le stockage du biogaz ou de la chaleur en période estivale permet également d’améliorer le taux de valorisation de la chaleur.
Le financement et la rentabilité
Le montant des investissements pour la création d’une unité de méthanisation se situe entre 300 000 et 1,5 millions d’euros suivant le type d’installation. Il est donc primordial de trouver un équilibre entre production de biogaz, coût de fonctionnement et investissement. Les projets les plus accessibles sont les projets collectifs qui jouent sur les économies d’échelle et ceux des petites exploitations qui utilisent leurs propres effluents.
De nombreux facteurs jouent sur la rentabilité du projet dont : la quantité d’énergie produite et sa valorisation, notamment celle de la chaleur en cogénération ; la proximité des besoins en chaleur par rapport à l’unité ; la sécurité de l’approvisionnement en intrants ; les coûts de collecte et de stockage des gisements ; l’optimisation du fonctionnement du digesteur et la gestion du digestat. De plus, un projet cohérent et encadré bénéficiera plus facilement du soutien des organismes bancaires pour son financement.
Par ailleurs, plusieurs dispositifs financiers permettent de soutenir le développement des unités de méthanisation. On peut citer les aides à l’investissement dont le fonds chaleur de l’Ademe mais également les tarifs de rachat sur la filière biogaz dont ceux sur l’électricité produite par cogénération et ceux sur l’injection
Les aspects réglementaires
Les unités de méthanisation sont soumises au régime ICPE suivant leur taille, leur puissance, le type d’intrants et le tonnage, ainsi que le mode de valorisation. Cependant, les petites installations peuvent s’affranchir au cas par cas de certaines procédures, ce qui permet de raccourcir les délais administratifs (simple déclaration). Contrairement à l’électricité et au biométhane injecté directement dans le réseau, la vente de chaleur n’est pas encadrée par un tarif de rachat. C’est pourtant l’une des principales demandes des gestionnaires qui verraient cela comme une incitation financière forte en faveur de la valorisation de la chaleur issue de la filière méthanisation.
Les enjeux sociaux et territoriaux
Afin de favoriser l’acceptation du projet avec le voisinage (habitants, entreprises, industriels…), il est primordial d’échanger sur le projet en amont et tout au long des démarches. Pour cela, le porteur de projet peut organiser des réunions publiques d’informations, appuyé par la collectivité.
En amont des projets, le dialogue entre porteurs de projets et collectivités présente également l’intérêt de faciliter la planification et le développement de réseaux de chaleur et d’unités de production d’énergie renouvelable sur le territoire. Les outils de planification sont un moyen de mettre en cohérence offre de chaleur et consommation.
(Crédit photo : Arnaud Bouissou – Terra)
Leviers à activer pour une meilleure valorisation de la chaleur
Orienter les politiques publiques
-
La réglementation
Aujourd’hui, le délai d’autorisation pour une installation de méthanisation est de l’ordre de dix mois en France, tandis qu’il est de six mois en Italie et de trois à neuf mois en Allemagne et en Espagne. Les acteurs français reconnaissent effectivement que la longueur des procédures administratives est un frein au développement des unités. Une analyse de ces procédures d’instruction européennes pourrait donc mettre en évidence des points d’amélioration possibles. Un suivi spécifique de l’administration, en temps réel, pourrait être envisagé pour rechercher les marges d’adaptation de la réglementation et faciliter l’instruction des projets innovants.
-
Les incitations financières
L’encadrement de la vente de chaleur par un tarif réglementé similaire à celui de l’électricité ou du biométhane permettrait aussi d’inciter les exploitants à valoriser davantage la production de chaleur. Des retours d’expériences sur ces tarifs réglementés, pratiqués en Europe (notamment au Royaume-Uni), peuvent illustrer l’intérêt de ce dispositif. Les aides à l’investissement (Fonds Chaleur) et les politiques fiscales avantageuses sont également des leviers pour favoriser le développement de la chaleur renouvelable (à la fois en termes de production et de consommation) qu’il convient de poursuivre.
-
La planification
Les projets de territoire (PLU, PCAET, rénovations ANRU) sont également l’occasion de faire se rencontrer les différents acteurs afin de mettre en place les conditions favorables à l’émergence des projets.
Développer des outils d’aide à la filière
-
Les outils d’aide à la décision
Le libre accès d’une cartographie des besoins en chaleur associée à celle des intrants méthanogènes et de la localisation des réseaux de chaleur existants ou en projets permettrait d’identifier des sites prioritaires où développer des unités. Certaines collectivités ont d’ores et déjà initié ce type d’aide à la filière comme le Conseil Départemental de Loire Atlantique avec l’outil CartoMétha.
Outil CartoMétha – Conseil départemental de Loire-Atlantique
-
Les évolutions techniques
Le stockage de la chaleur devrait permettre aux producteurs de s’affranchir des pics de consommation hivernaux. Parallèlement, le pilotage de la demande à l’aide de Smart-Grids doit permettre de mieux anticiper les consommations. En outre, le déploiement de nouvelles technologies telles que la tri-génération permettra d’agrandir les champs des valorisations possibles de la chaleur issue des unités de méthanisation.
La complexité de la valorisation de la chaleur est due pour partie à l’aspect saisonnier de la consommation, à l’absence de tarifs de rachat et parfois à un manque de débouchés à proximité. Elle fait apparaître la nécessaire concertation entre porteurs de projets, citoyens et collectivités, afin de conjuguer développement de la méthanisation, déploiement des réseaux de chaleur et dialogue citoyen. Ainsi, au-delà des solutions techniques telles que le stockage énergétique ou des incitations financières pour la vente de chaleur renouvelable, les territoires doivent innover et mettre en place une planification concertée pour développer une énergie renouvelable produite et valorisée localement.
Télécharger la synthèse en quatre pages du Guide "Développer l’offre de chaleur issue de la méthanisation"
Télécharger la version complète du Guide "Développer l’offre de chaleur issue de la méthanisation"
Télécharger le rapport complet “Développer l’offre de chaleur issue de la méthanisation – Barrières et leviers pour une meilleure valorisation”