Réunir les territoires pour développer les réseaux de chaleur

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L’échelon communal se révèle parfois insuffisant pour porter le développement d’un réseau de chaleur. Les projets nécessitent en effet une implication forte des services techniques de la collectivité, avec des compétences pointues, plus facilement accessibles en les mutualisant avec d’autres communes. Par ailleurs, les réseaux de chaleur sont intimement liés aux questions d’urbanisme, d’aménagement et de logement, compétences de plus en plus exercées à l’échelle intercommunale. Enfin, en tant que réseaux, ils ont vocation à relier des parties de territoires dont le découpage n’est pas toujours celui des limites administratives communales. Afin d’élever les projets au-dessus de l’échelon communal, plusieurs types d’intercommunalités peuvent être mobilisés.

Le syndicat intercommunal : souplesse et spécialité

SIVU, SIVOM, syndicat à la carte

Les syndicats intercommunaux, EPCI sans fiscalité propre, correspondent à une forme de coopération intercommunale assez souple : pas de compétence obligatoire, pas d’obligation pour les communes membres d’être limitrophes, une échelle qui peut aussi bien se limiter à deux communes que couvrir un département entier…

L’objectif des communes qui se regroupent en syndicat est de mutualiser des moyens techniques pour des raisons financières. Étant à dominante technique, spécialisés dans un domaine précis choisi lors de leur création, les syndicats disposent des compétences techniques correspondant à ce domaine et apportent une certaine garantie de pérennité de l’action.

Il existe différents types de syndicats intercommunaux :

Les syndicats à vocation unique (SIVU), qui ont été créés dans l’optique de gérer une seule activité d’intérêt intercommunal. Par exemple, dans le domaine de l’énergie, il existe de nombreux syndicats d’électricité, qui – souvent à l’échelle d’un département – sont responsables des réseaux de distribution d’électricité.

Les syndicats à vocation multiple (SIVOM), qui exercent différentes compétences, en tout ou partie, au profit des communes adhérentes. Il est possible pour les communes membres d’adhérer à certaines compétences dites à « caractère optionnel », à l’image de la « production et distribution de chaleur ».

Les syndicats à la carte : depuis 1996 une commune peut adhérer à un syndicat pour une partie seulement des compétences exercées par celui-ci. Ce sont des syndicats dits «à la carte». Peuvent ainsi coexister dans ces syndicats, des membres ayant délégué leur statut d’autorité concédante avec d’autres membres l’ayant conservé.

Remarque :
Les syndicats mixtes peuvent également être à vocation unique, multiple ou à la carte mais ils ne constituent pas des EPCI. Même s'ils sont peu présents dans le domaine des réseaux de chaleur, avec l’intérêt grandissant que portent les régions et départements au sujet de la chaleur renouvelable, ces syndicats mixtes peuvent constituer une piste d’exploration pour le regroupement des compétences concernant les réseaux de chaleur.

 

Syndicats et réseaux de chaleur : s’affranchir des limites communales

Les trois types de syndicats peuvent se voir confier la mission de production et distribution de chaleur. Cela peut être leur fonction unique (SIVU), comme par exemple le syndicat intercommunal de chauffage de Choisy-Vitry. Cet établissement est en charge d’un réseau de chaleur partagé par deux communes limitrophes (mutualisation à une échelle supra-communale pour un réseau unique, bénéficiant aux deux territoires communaux).

On rencontre également des syndicats comme le SIEL 42, par exemple, qui a évolué de syndicat intercommunal d’électricité à une mission plus large de syndicat intercommunal d’énergie. Actuellement, il est à même d’intervenir également sur le bois-énergie et les réseaux de chaleur. On retrouve plutôt cette approche en secteur rural, le syndicat assurant alors le portage de projets que les petites communes isolées ne peuvent monter seules (mutualisation des moyens d’ingénierie et éventuellement d’investissement, mais où les réalisations restent distinctes, propres à chaque territoire communal). Ce portage peut être plus ou moins complet, allant de la simple réalisation d’études de faisabilité (la mise en œuvre restant communale), à l’intégralité du montage du projet (incluant les investissements).

La communauté : l’ensemblier sur un territoire

Communautés de communes, d’agglomération, urbaines

À la différence des syndicats, les communautés disposent d’une fiscalité propre et d’un socle de compétences obligatoires (qui peut être complété par des compétences facultatives). Les communautés sont donc par nature plus généralistes, avec un rôle ensemblier de l’aménagement local. La définition de leur périmètre géographique est par ailleurs plus encadrée que celle des syndicats.


Si les syndicats se distinguent par leur spécialisation, gage de compétences pointues sur l’objet technique dont ils ont la charge, l’avantage des communautés est leur vision d’ensemble des problématiques territoriales, et donc leur grande capacité à croiser les questions d’énergie avec celles d’aménagement, de logement, de transport… Ceci est particulièrement important en zone urbaine dense, où les objets de l’aménagement sont imbriqués de façon très fine.

On distingue trois types de communautés :

Les communautés de communes (CC): la communauté de communes doit simplement regrouper des communes sur un territoire d’un seul tenant et sans enclave afin d’élaborer un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace. Il n’y a pas de seuil de population minimale.

Les communautés d’agglomération (CA) : elles correspondent aux zones urbaines de 50 000 habitants autour d’une ou plusieurs communes centres de plus de 15 000 habitants.

Les communautés urbaines (CU) : il s’agit, depuis la loi MAPTAM, de zones urbaines de plus de 250 000 habitants. Par rapport à la communauté de communes et à la communauté d’agglomération, la communauté urbaine se distingue par davantage de compétences obligatoires, notamment dans le domaine de l’énergie (compétence de « soutien aux actions de maîtrise de l’énergie » obligatoire depuis 2005 ; compétence de « création, aménagement, entretien et gestion des réseaux de chaleur ou de froid urbain » obligatoire depuis 2014 de plein droit, en lieu et place des communes membres).

Intégrer les réseaux de chaleur dans un projet territorial cohérent

La prise en charge de la thématique des réseaux de chaleur à un échelon communautaire (CC, CA ou CU) offre plusieurs avantages.

Au sein d’une communauté, en particulier CA et CU, les parties urbanisées communes centrales forment souvent une seule et même zone d’urbanisation assez dense qui, au fil des années, est devenue continue. Des réseaux communaux historiques peuvent se rapprocher et être désormais développés conjointement autour de cette logique de conurbation, voire s’interconnecter. Ces rapprochements ouvrent des possibilités d’économie d’échelle, d’optimisation technique, de meilleure continuité de service… Le Mans Métropole, dans son PCET de 2013, avait déjà réfléchi à la prise de compétence « réseaux de chaleur » afin justement de faciliter les interconnexions possibles entre les neuf réseaux présents sur son territoire, gérés jusque-là par des communes différentes.

Un second bénéfice, également partagé avec les syndicats, est la rationalisation des compétences techniques nécessaires au portage de la politique en matière de réseaux de chaleur. Nantes Métropole, qui s’est doté de la compétence fin 2005, dispose ainsi aujourd’hui au sein de son Pôle Energie d’emplois dédiés à la mise en œuvre de la politique de développement des réseaux de chaleur sur l’ensemble du territoire de la communauté urbaine.

Avantage supplémentaire par rapport aux syndicats, spécialisés : l’exercice de la compétence au niveau communautaire, par un acteur en charge d’une mission générale d’aménagement de l’espace sur un territoire cohérent, renforce les possibilités d’interactions entre le développement des réseaux de chaleur et les autres politiques (urbanisme, logement…) portées par la communauté. Les réseaux de chaleur deviennent ainsi véritablement un outil mobilisable par la communauté pour l’atteinte des objectifs locaux en matière de lutte contre la précarité énergétique, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc., qui peuvent figurer dans son PCAET. L’agglomération Dijonnaise a par exemple profité en 2011 de son projet de tramway pour y intégrer la réalisation d’un réseau de chaleur, mutualisant les travaux et réduisant les coûts. La communauté d’agglomération s’est également dotée d’un schéma directeur intercommunal des réseaux de chaleur, contribuant à la mise en œuvre de son PCET de 2009.

Quel regroupement pour quelle situation ?

Même s’il est difficile de généraliser, on observe quelques tendances qui peuvent être résumées selon l'illustration ci-contre.

Dans un contexte urbain, où la densité est importante, où les différentes disciplines de l’aménagement sont fortement imbriquées, où apparaissent des phénomènes de conurbation, le regroupement des communes autour de la question des réseaux de chaleur se ferait plutôt sur une structure communautaire, généraliste et au périmètre géographique bien établi. Ceci permet à l’EPCI de véritablement exploiter l’outil que constituent les réseaux de chaleur pour l’atteinte de ses objectifs territoriaux. Des contre-exemples existent, en particulier dans le cas de réseaux historiquement partagés par deux ou trois villes limitrophes et portés par des syndicats dont c’est l’unique objet (plusieurs cas en Île-de-France).

Dans les territoires plus ruraux, où les zones urbanisées sont éloignées les unes des autres et où les enjeux de transversalité de l’énergie avec les problématiques d’urbanisme, de logement, d’aménagement sont un peu moins prégnantes, les syndicats d’énergie peuvent être dotés par leurs membres des moyens d’intervention nécessaires pour pallier aux fragilités dont souffriraient les maîtrises d’ouvrage si elles étaient exclusivement communales. Mais ici encore, on trouve des exemples différents, avec des communautés de communes rurales qui, malgré de faibles moyens techniques, ont réussi à concrétiser des projets de réseaux de chaleur.

Ainsi, suivant les objectifs que se fixera la collectivité (réappropriation du territoire, lutte contre la précarité énergétique, réduction des gaz à effet de serre, développement d’une smartcity, etc), elle pourra juger parmi les syndicats ou les communautés disponibles sur son territoire si l’un de ces groupements sera en mesure de l’accompagner dans son projet de réseau de chaleur.